Période(s) d'occupation : Antiquité, Période Moderne
Opération : fouille archéologique d'urgence
Dates de l'opération : juin - juillet 2012
Aménageur : Grand Lyon
La Direction de l’Eau du Grand Lyon a profité du réaménagement de surface des abords de l’entrée du tunnel de la Croix Rousse, sur la rive droite du Rhône, pour entreprendre, au début de l’été 2012, la rénovation du réseau d’assainissement de la place Chazette. Pour enfouir une canalisation de 80 cm de diamètre, une tranchée de 4 m de profondeur et de près de 2 m de large a été creusée au devant des immeubles de la place, élevés au milieu du XVIIIe siècle.
Alerté par les riverains inquiets de la mise au jour (et de la destruction) d’une imposante maçonnerie, le Service Régional de l’Archéologie a chargé le Service Archéologique de la Ville de Lyon d’effectuer une surveillance de travaux, requalifiée en fouille préventive d’urgence en raison de la nature des vestiges découverts.
Ces vestiges sont de deux types. Ils appartiennent pour une part, et selon toute vraisemblance, au bastion Saint-Clair (bâti après 1513 et reconstruit en 1545) ainsi qu’au mur d’enceinte moderne qui ménageait au pied de la balme un chemin sur le Rhône, tout en les protégeant l’un et l’autre de la sape du fleuve. Projeté dès 1544 ce rempart fut bâti dans les premières années du XVIIe siècle seulement et disparut à l’occasion du lotissement du quartier Saint-Clair par Soufflot, Milanais et Munet dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Les autres vestiges sont antiques. Ils consistent essentiellement en un puissant massif de maçonnerie de moellons de gneiss, noyés dans un mortier jaune, dont les contours, disparaissant sous les coupes, n’ont pas pu être observés. Un regard zénithal aménagé au cœur de cette maçonnerie et débouchant sur un vide permet de supposer qu’il s’agit, au moins en partie, d’une voûte. À l’extrémité nord de la tranchée, un bloc de calcaire blanc (80x110x80 cm) a été mis au jour. Selon les terrassiers qui l’ont dégagé, plusieurs autres de même gabarit avaient été sortis avant notre intervention.
Tout à fait au sud de la tranchée, deux murs orientés est-ouest ont été mis au jour. Le plus méridional des deux, le seul que nous ayons pu observer, et qui possédait une face enduite, était formé d’une maçonnerie hétérogène de gneiss et de galets et de plusieurs moellons de ce calcaire rouge à grosses entroques que l’on ne rencontre à Lyon nulle part ailleurs que dans le réseau souterrain en « arêtes de poisson », dont le débouché oriental se situe précisément à l’aplomb de ce mur.
L’étroitesse de la fenêtre d’observation ne facilite pas l’identification et la mise en contexte de ces structures antiques, ni même leur datation. Plusieurs hypothèses peuvent être cependant formulées. La proximité du Rhône peut laisser supposer l’existence d’un aménagement de berge (mur de quai, dispositif portuaire ?). Néanmoins, l’altitude élevée des structures observées par rapport à celle du fleuve (et plaide plutôt pour des élévations de bâtiments, ou d’édifices monumentaux, construits sur la berge, peut-être en lien avec l’espace funéraire. Attesté à la fin du IIe siècle cet espace funéraire pourrait être plus ancien, en raison de l’emploi de calcaire du Midi dans le mausolée redécouvert sous l’immeuble n°2 place Chazette. La présence d’un martyrium ou d’une chapelle dédiée à sainte Blandine, à l’emplacement présumé de la dispersion de ses cendres, peut expliquer par ailleurs la réactivation ou la perduration de cette fonction funéraire durant le haut Moyen Âge, dont témoignent près de cinq m3 d’ossements humains retrouvés en 1959 dans les galeries en « arêtes de poisson ».