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Quand l’imagerie médicale se met au service de l’archéoanthropologie

 
Le service archéologique de la Ville de Lyon (SAVL) et l’Université Bordeaux 1 (laboratoires PACEA et LaBRI) ont mis en place en collaboration des recherches expérimentales appliquées à l’archéoanthropologie, sur les possibilités d’analyses oertes par l’utilisation de la technique d’imagerie médicale de la "tomodensitométrie" appelée plus couramment "scanner".

Le projet

Dans le cadre d’études archéoanthropologiques, les urnes funéraires découvertes en fouilles font systématiquement l’objet d'un traitement manuel. A côté des données qu’il permet d’obtenir, ce traitement engendre une dégradation des restes osseux et mobiliers contenus dans le vase lors des phases de dégagement, de prélèvement et de lavage. Ces pertes d’informations, parfois considérables, ont incité à développer un projet exploitant les spécificités de la tomodensitométrie. L’objectif est de tester l’apport de cette technique à  l’étude du contenu d’urnes, scannées préalablement à leur fouille.

Le matériel

Le matériel archéologique

En 2006, une vaste nécropole du Haut-Empire a été découverte dans la plaine de Vaise, dans le cadre d’une opération d’archéologie préventive menée par le SAVL au 30-32 rue de Bourgogne. Sur les 156 structures funéraires mises au jour, seules 64 ont pu être étudiées en détail dans les délais impartis. Parmi les structures restantes pour lesquelles une datation a été établie, 11 urnes potentiellement bien conservées ont été sélectionnées pour ce projet.

Le matériel technique

L’acquisition des images indispensables à l’exploration virtuelle des urnes a nécessité l’accès à un scanner médical. Pour traiter les images scanner et réaliser une analyse numérique du contenu des vases, un logiciel, nommé SmithDR, est en cours de développement par le laboratoire LaBRI.

La méthode

Le passage au scanner

La première étape consiste à scanner les urnes en respectant des paramètres de réglages identiques permettant une acquisition des images très précise. Elle a été réalisée par une équipe de l’hôpital Saint-Joseph Saint-Luc (Lyon 7e).

La fouille manuelle des urnes

Dans un deuxième temps, il s’agit de réaliser la fouille manuelle des urnes. Elle s’opère par des décapages fins, plans et successifs, décrits précisément  et photographiés. Les fragments osseux prélevés sont, si possible, déterminés anatomiquement avant d’être lavés avec les objets recueillis sous un filet d’eau puis séchés. Le sédiment ramassé est tamisé afin d’y récupérer les plus petits éléments.

L'analyse numérique du contenu des urnes

Parallèlement à la fouille, le contenu des urnes est analysé via SmithDR. Ce logiciel permet de visualiser l'intégralité du contenu du vase selon trois plans différents. Ainsi, il est possible d'observer les caractéristiques morphologiques et spatiales de chaque objet, quelle qu'en soit la matière. SmithDR inclut également une vue cumulative des trois plans créée dans l'optique d'une visualisation 3D en cours de développement.

L'étude des restes humains

L’étude des restes humains peut être divisée en deux types d’analyses. L’analyse qualitative regroupe toutes les données obtenues visuellement : la détermination anatomique des os, le nombre minimum d’individus auxquels ils appartiennent et leurs caractéristiques biologiques (âge au décès et sexe). L’analyse quantitative nécessite de compter et peser les ossements de manière à en étudier plusieurs aspects : la fragmentation, le taux de détermination lié à l’état de conservation des restes, le taux de représentation du squelette et des différentes parties anatomiques, globalement et pour chaque décapage afin d’étudier l’organisation des fragments dans l’urne.

Les premiers résultats de l’étude du contenu osseux de l'urne n° 237

L'analyse qualitative

Le traitement manuel du vase a permis d’établir qu’il contenait les ossements d’un individu adulte de sexe indéterminé. L’unique fragment attestant de l’âge au décès s’est détérioré au lavage comme beaucoup d’autres. Au total, cette étape a engendré plus d’un tiers de fragments supplémentaires, dont certains ne sont plus déterminables. Par l’approche virtuelle, de nombreux fragments ont pu être identifiés et déterminés.

L'analyse quantitative

La masse totale d’ossements recueillis est de 361,5 g. Cette très faible valeur indique que le squelette n’est que partiellement présent. Grâce à la présence d’une majorité de gros fragments, 91,5% de cette masse totale sont constitués de restes anatomiquement identifiés. 97,2% des ossements déterminés appartiennent à la tête et aux membres. Ils présentent une répartition homogène dans tout le volume de l’amas osseux. Au centre du vase, les fragments sont disposés à plat, ceux situés en périphérie tapissant les parois de l’urne. En l’état actuel du développement du projet, le traitement numérique ne permet pas de calculer les masses osseuses. Les données quantitatives, nécessaires à la seconde phase de l’étude anthropologique, sont donc indisponibles. Toutefois, l’analyse virtuelle autorise des observations concernant la détermination et l’organisation spatiale des fragments.

Diagramme des proportions des ossements déterminés
et indéterminés de l’urne n°237
Fragments déterminés anatomiquement par l’analyse
numérique sur l’image scanner n°348 : en bleu,
les fragments de tête et en orange, les fragments de
membres

Conclusions et perspectives

Premiers intérêts des images scanner : conserver l’information et orienter la stratégie d'étude. Offrant une visualisation immédiate et intégrale du contenu des urnes, elles conservent de façon pérenne des informations susceptibles d'être détruites par le traitement manuel.

En dévoilant le contenu des vases sans le détériorer, elles permettent aussi de juger de leur potentiel informatif et ainsi de sélectionner les urnes à fouiller en priorité, dans le respect des délais inhérents aux activités d’archéologie préventive.

La précision de ces images est suffisante pour reconnaître les ossements et les éléments de mobilier.

Prochainement, le logiciel offrira une visualisation tridimensionnelle des objets contenus dans le vase. Il permettra aussi d’accéder à des données quantifiées : les dimensions, le volume et la densité moyenne des fragments. Quant aux masses osseuses, les propriétés de la tomodensitométrie laissententrevoir la possibilité de les obtenir à partir de la densité des fragments via les images scanner.