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22 rue Jarente, 39 rue Victor Hugo


Adresse : 
22 rue Jarente, 39 rue Victor Hugo, 69002 Lyon

Période(s) d'occupation : Antiquité, Période Moderne

Opération : fouille archéologique

Dates de l'opération : août - septembre 2015

Opérateur : Service archéologique de la Ville de Lyon

Aménageur : SAS Le Grand Rey


Au fil des nombreuses découvertes de mosaïques effectuées tout au long de la rue Jarente depuis le XIXe siècle, l’extrémité méridionale de la Presqu’île se révélait  comme le quartier résidentiel privilégié de l’élite urbaine. Le 24 rue Jarente avait livré dès 1806 avec la mosaïque du Cirque l’un des pavements les plus remarquables de la ville antique. La libération de la parcelle voisine faisant angle avec la rue Victor-Hugo pour la construction d’un nouveau projet immobilier a donc naturellement été l’objet d’un diagnostic d’archéologie préventive qui s’est révélé positif avec des vestiges évidents d’un habitat gallo-romain.

La fouille engagée sur ce terrain modeste (moins de 300 m²) était fortement conditionnée par des difficultés d’étaiement des immeubles mitoyens. Les travaux préparatoires ont par ailleurs fait disparaître ce qui pouvait demeurer des occupations modernes ou médiévales jusqu’à l’apparition des sols antiques. En dehors des secteurs (côté ouest) largement impactés par le creusement des caves contemporaines, le site a néanmoins livré de nombreux vestiges d’une occupation continue entre le milieu du Ier siècle apr. J.-C. et le IIIe siècle avant le retrait du fait urbain antique dans ce secteur de la Presqu’île au cours du IVe siècle.

Installé à proximité de la confluence historique principale du Rhône et de la Saône, le site naturel est d’abord simplement aménagé. La première phase d’occupation, dont l’observation s’est limitée à quelques mètres carrés au sud-ouest de l’emprise de fouille, n’a fait apparaître que des trous de poteau et des épandages de mobilier peut-être liés à la présence d’une dépression dans les limons d’inondation. La faible quantité de mobilier mobilisé dans ces structures n’est pas antérieure au milieu du Ier siècle apr. J.-C.

La dépression pressentie par l’analyse topographique des niveaux naturels et les aménagements qui la bordent est rapidement comblée par une première phase de remblaiement datée des années 60 apr. J.-C.

Cet apport de matériau supporte un sol de travail lié à la construction d’un mur nord-sud. Puis, à l’instar d’un phénomène déjà observé sur les fouilles proches de la rue Bourgelat ou de la place Ampère, le site de la rue Jarente accueille une quantité importante de remblais détritiques qui assurent la viabilisation du terrain en le rehaussant de plus d’un mètre à l’arrière de ce mur. L’emprise de l’opération est ainsi divisée en deux secteurs : une première terrasse est couronnée par un sol de terre battue. Le mur qui retient les remblais est probablement associé à un unique massif de fondation assez puissant pour soutenir une couverture. Ces éléments, qui ne constituent évidemment pas un plan, ne peuvent qu’évoquer la construction d’un bâtiment simple à vocation de stockage ou à usage commercial.

L’abondant mobilier céramique présent dans les remblais rapportés assure une datation de cette construction dans le dernier quart du Ier siècle apr. J.-C. Durant une même phase de travaux ou dans un délai trop proche pour que le mobilier ne permette d’en différencier la chronologie, la partie est du site est aussi remblayée pour atteindre un niveau comparable (164,50 m NGF). En appuie ou en périphérie des structures occidentales, sont construits des bâtiments sans doute légers prenant la forme d’appentis ou d’unités plus fermées. Ces communs (stockage, écurie) sont desservis par une venelle étroite se resserrant vers le nord.

Sur une bande de terrain de plus de cinq mètres en bordure orientale de l’emprise de fouille se développe le plan d’une domus dont subsiste une enfilade de quatre pièces orientée est-ouest séparées par des murs conservés ou spoliés. À l’arrière d’un mur gouttereau attesté sur plus de 10 m par sa tranchée  de récupération, une des pièces identifiée avait partiellement conservé en place un sol de terrazzo pourvu d’un emblema. Très endommagé par des creusements modernes et les travaux de confortement liés au projet immobilier, l’emblema, était réalisé en opus tesselatum noir et blanc dessinant deux carrés concentriques avec des carrés périphériques cernant une probable étoile losangique. Les formes géométriques blanches dessinées par des filets noirs incluent des scutulae en roches nobles.

Dans les dernières années du Ier siècle les bâtiments de la zone ouest subissent  un incendie qui met à bas l’ensemble des constructions de service. La domus, dont le seul élément du mur gouttereau  conservé en élévation est rubéfié, ne semble pas avoir été atteinte. Les importantes couches de démolition issues du sinistre relevées en zone ouest, sont absentes de la zone résidentielle.

Finalement assez tardivement (dans le second quart du IIIe siècle), le plan de la domus est modifié et étendu. Plusieurs murs du premier état sont arasés et de nouvelles maçonneries participent à la refonte d’un plan dont les espaces sont intégralement pourvus de terrazzos inornés. Le rehaussement des sols à cette occasion est minimal, il est surtout destiné à compenser l’effondrement des sols vétustes pour les porter à 165 m NGF. Il semble par ailleurs que la domus s’étende au-delà de la limite initiale de son mur gouttereau ouest pour s’appuyer sur les remblais de démolition de la zone ouest. Cette extension pourrait se limiter à la surface autrefois occupée par les communs.

Les niveaux d’une troisième occupation de la domus n’ont été conservés que dans l’angle nord-est de la fouille, les lambeaux d’un terrazzo de médiocre qualité (164,32 m NGF, fin du IIIe siècle ou début IVe) ne permettent plus de restituer le maintien du plan existant ou sa modification. Dans l’angle nord-ouest quelques décimètres du seuil d’une fondation ne permettent pas de caractériser une occupation tardive dépourvue d’éléments de datation.

La fin de l’Antiquité marque une période de spoliation des vestiges dont demeurent les tranchées de récupération des maçonneries enfouies.